Présentation au 62ème congrès de Printemps de la Fédération nationale des sociétés médicales homéopathiques de France, organisé par la Société française d'homéopathie.
                                                                              A Giverny du 19 au 21 mai 2022.
Par Joël Siccardi, patient d’un médecin homéopathe depuis 42 ans
Président de l’association de patients AHP France depuis 2016                 
Membre du Directoire d’HoméoFrance depuis 2020

                             Mesdames, Messieurs, 
Je souhaiterais remercier les organisateurs de ce congrès d’avoir invité un représentant des patients à s’exprimer sur l’homéopathie.
Des paroles de patients, les professionnels de santé en entendent tous les jours et modestement nous souhaitons exposer ici notre point de vue, une réflexion assortie de propos
recueillis auprès de notre association. Des choses connues certainement mais exprimées avec nos mots.
Permettez-moi de rappeler brièvement qu’AHP France, l’Association Homéo Patients France,
créée en 1998, réunit des patients utilisateurs de l’homéopathie. Elle est dirigée par des patients bénévoles, sans aucun lien ni conflit d’intérêt, sans couleur politique.
Elle informe les patients, les représente, les défend au niveau national et européen. Elle reçoit aussi leurs témoignages, lors d’échanges entre ses membres, et que nous relayons dans nos
journaux et notre site.
A ce titre, en 2019, nous avons pu être reçu seul ou en délégation et successivement par la Haute Autorité de Santé, le Conseil National de l’Ordre des Médecins, le ministère de la Santé
et sa ministre Madame Buzyn : sans résultat positif hélas.
AHP France est membre fondateur (en 2003) de l’EFHPA, la Fédération européenne des associations de patients de l’homéopathie.
L’EFHPA ce sont 21 associations réparties dans 15 pays. L’organisation est affiliée à l’ECH et membre d’Eurocam.
AHP France est également membre fondateur (en 2020) d’HoméoFrance, l’Union des acteurs de l’Homéopathie française. HoméoFrance représente 5 collèges Patients, Professionnels de
santé, Enseignement, Recherche, Industriels du médicament avec 24 structures membres.
Souhaitant répondre à la question principale de ce congrès « Faut-il sauver l’homéopathie ? », nous nous sommes donc appuyés sur des paroles « écrites » simples et vraies, parfois sans
filtre, issues du vécu et de l’expérience de patients que Anne qualifie « d’attachés à cette pratique médicale, responsables, curieux, partenaires du médecin dans le parcours de soin ».
Tout d’abord quel est le constat aujourd’hui ? Ces dernières années ont été difficiles pour les tenants de l’homéopathie et les patients sont déçus, consternés et mécontents, voire en
errance.
Certains d’entre eux se sont résignés et se sont détournés des traitements homéopathiques dès la fin injustifiée du remboursement des médicaments par l’Assurance maladie. Le coût des
médicaments rédhibitoire pour les uns, le ressenti d’une perte de légitimité de la thérapeutique pour quelques-uns, ou la cessation d’activité de médecins pour d’autres ont eu
raison des meilleures volontés : « une cause entendue et l’inutilité de poursuivre une quelconque mobilisation » d’après Huguette et Joël, ce qui est compréhensible.
Pour d’autres patients, une large majorité, l’aventure se poursuit : ils connaissent l’efficacité de l’homéopathie, ses avantages, ses limites. Ils l’ont testée et vécue dans leur chair bien avant
le début des attaques, alors le dénigrement et la fin du remboursement ne vont rien changer.
Cependant pourront-ils continuer à en bénéficier encore longtemps ? Beaucoup sont inquiets pour la suite, comme nous l’exposerons plus loin.
Plus largement, donc, les patients persistent et (re)signent. Lorsqu’ils témoignent, leurs mots expriment tout l’intérêt pour cette thérapeutique.
Gérard le dit à sa manière lorsqu’il écrit au ministre de la Santé que « chaque prise d’un médicament homéopathique est une expérience en soi. La vision de la médecine que vous
prétendez imposer au plus grand nombre copie les protocoles que vous imposez aux animaux élevés en batteries, ce, en contradiction avec le bon sens commun ».
Certains patients utilisent l’homéopathie depuis si longtemps qu’ils ne vont pas changer de voie. C’est le cas de Danielle qui essaie de nous résumer « 35 ans d’utilisations positive pour
elle et sa famille en listant à la Prévert 24 domaines de pathologies ayant bénéficié de résultats spectaculaires ».
C’est également le cas de nombreux adhérents, surtout des adhérentes, certaines de plus de 90 ans, toujours engagées et militantes.
Par ailleurs, nous enregistrons en 2022 des adhésions de nouveaux adhérents, mais pas assez, et il semble par contre nettement plus difficile de mobiliser les « jeunes ». C’est bien
dommage.
En vue de cette présentation, nous avons justement demandé à nos adhérents ce qui importait à leurs yeux ou ce que leur apportait la pratique homéopathique - au-delà du soin
dispensé et de l’efficacité du remède. Voici trois aspects récurrents extraits des propos recueillis et que nous souhaitons simplement partager.

Un premier thème largement exposé c’est le fait de se réapproprier sa santé, y compris avec ses déséquilibres et ses affections. C’est la possibilité de se responsabiliser, de se prendre en
charge en modifiant parfois certaines habitudes ou modes de vie professionnelle, sociale, familiale, culturelle. Il peut s’agir du comportement alimentaire, de l’hygiène de vie, du contrôle de stress, et jusqu’aux choix existentiels comme l’exprime Fabienne « Je suis revenue dans ma vie, je peux de nouveau raconter mon histoire, je m’ouvre, je rencontre des gens passionnants, j’ai de nouvelles activités ».
Être acteur, être actif, participer ! C’est le thème abordé par l’EPF, le Forum Européen des Patients lors d’une campagne en 2015-2016i dénommée « Patient empowerment  ou l’émancipation des patients. Elle était définie ainsi : « un processus qui aide les gens à prendre le contrôle de leurs propres vies en augmentant leur capacité d’agir sur les problèmes qu’ils
ont eux-mêmes définis comme étant importants ».
Donc donner du sens, ou une « quête de signification » selon le sociologue David Le Bretonii
Il écrit notamment : « comprendre sa peine pour mieux comprendre le sens de sa vie ... une façon de maintenir le mal à distance et désamorcer l’anxiété ».
Ce que confirme Laurence en disant « je me suis appropriée aussi ma santé et surtout le sens à donner à la maladie. Être à l'écoute de son corps, de ses ressentis c'est aussi ce que j'ai
découvert avec cette médecine ».
Dans le prolongement de cette dernière phrase, on peut y associer plus largement la notion de gain de chance, en opposition à la perte de chance dénoncée par les détracteurs. Cette
possibilité offerte au patient de restituer spontanément les résultats de l’écoute personnelle de son corps qui peut permettre au médecin de détecter des signes d’alertes sur la gravité de
l’affection ou l’éventualité d’une autre pathologie.

Le deuxième aspect évoqué concerne la relation patient/médecin. Une relation de confiance pour une « collaboration humaine » face à certains risques de dérives du tout technologie et
de l’intelligence artificielle. Pour ne pas être réduit à une machine d’organes devant un technicien gérant un système informationnel.
Cette relation qui s’établit naturellement au fil des consultations est primordiale pour les patients et les termes qui reviennent fréquemment pour la qualifier sont : écoute, engagement, confiance, compétence, attention, bienveillance.
Arrêtons là les qualificatifs, mais en complément voici ces quelques mots non d’un patient
mais d’Antonella Ronchi, médecin homéopathe, exerçant à Milan « Une bonne relation médecin-patient s'est avérée d'une importance capitale pendant la pandémie. Dans de
nombreux cas, deux facteurs ont contribué à un meilleur rétablissement : un mode de vie plus sain et le fait d'avoir construit au préalable une relation solide de confiance avec son
médecin »

.Enfin le troisième point fondamental qui est constamment mis en avant : le respect des choix personnels. Au-delà de la phrase de Christiane « Je continuerai de me soigner à l’homéopathie, mon corps m’appartient. Il n’est pas le jouet des lobbies » 
il s’agit bien de la liberté de choix thérapeutique que nous défendons individuellement et collectivement.
Cette notion est notamment intégrée dans la Charte européenne des droits des patients de 2002, qui indique dans son article 5 que « chaque personne a le droit de choisir librement
parmi les différentes procédures de traitement, structures de soins et les personnels soignants sur la base d’informations appropriées/proportionnées »

Alors maintenant et sans transition, revenons à la question initiale : « Faut-il sauver l’homéopathie ? »
Evidemment oui, c’est la seule réponse à une forte attente des patients ainsi que le montrent de récentes enquêtes ou sondages. Comme l’exprime par exemple Christiane « Aujourd’hui,
au sens large, l’homéopathie mérite d’être sauvegardée, mise en avant, répandue bien davantage. J’apprécie ses principes « humanistes » qui concernent tout l’être humain et son
environnement » ou encore Marie qui écrit « Aussi, il me tient à cœur (et à raison !) que la médecine homéopathique soit reconnue à la hauteur de ses bienfaits, plus répandue, y compris
en milieu hospitalier, et qu’ainsi elle vienne au secours de plus en plus de patients. ».
Patients, nous tenons à cette prise en charge globale qui tient compte de l’histoire personnelle, du contexte et qui respecte l’individu dans sa singularité.
Tout ce que l’on est, ce que l’on a engrangé et ce que l’on vit est susceptible d’impacter notre santé ! Nous l’avons bien compris.
Alors en plus, c’est parfois la seule solution pour des besoins non couverts, en cas d’échec, d’impasse thérapeutique, d’intolérance ou hypersensibilité médicamenteuse, de contre-
indication pour des personnes dites « à risque ».
Pour autant, évidemment, il n’est pas question d’opposer homéopathie et médecine conventionnelle, cela n’a aucun sens pour nous !
Au-delà d’un pluralisme médical, il y a juste une demande croissante pour une voie plus naturelle, moins médicamentée et moins chimique. N’absorbons-nous pas suffisamment
d’ingrédients pharmaceutiques dont les rejets empoisonnent les rivières ... et accessoirement les poissons ?
On ne va pas se priver de cet atout pour les nouveaux enjeux sanitaires et écologiques, non ?
Quoique ...
Car cependant, nous sommes aussi face à des difficultés et nous avançons avec des inquiétudes exacerbées depuis la fin du remboursement. Lorsque Christiane dit « Mais il faut
que l’homéopathie continue à se mouvoir dans le monde, que les écoles rouvrent leurs portes et qu’on continue de former des médecins dans cette voie, et qu’on puisse toujours trouver des
médicaments homéopathiques » elle exprime certaines craintes fondées.
Considérant ce qui s’est déjà passé et ce qui se trame encore, notre questionnement concerne plus largement :
- l’impact du coût des traitements car c’est un surcroît de dépenses parfois trop important pour les patients aux revenus modestes. Il faut bien savoir qu’aujourd’hui, malgré certaines
annonces, les complémentaires santé prennent en charge peu ou pas du tout les dépenses de médicaments homéopathiques ; ou alors avec des montants de cotisations bien plus
importants. La plupart du temps c’est un forfait regroupant, outre les médicaments, ostéopathie, chiropraxie, naturopathie, phytothérapie, ... 2 séances annuelles d’ostéopathie à
70€ et le forfait est largement dépassé,
- la pénurie de médecins homéopathes : ce n’est pas un scoop. Des appels pour aider à trouver un nouveau médecin, nous en recevons régulièrement à l’association. Une gageure par
exemple pour la future maman à la recherche d’une gynécologue, d’une sage-femme et d’un pédiatre.
- la poursuite de l’enseignement en université et en écoles privées, ainsi que l’absence de la reconnaissance du droit au titre des nouveaux médecins formés,
- le risque d’une dégradation de prise en charge du patient s’il y a « récupération » à l’avenir de la pratique par des thérapeutes non habilités,
- le développement incontrôlé de l’automédication, avec ses limites : il ne s’agit pas de négliger cet apport, juste de s’interroger sur la pertinence de la prolifération sur internet des
conseils, formations, trousses et autres recettes proposées au grand public,
- le maintien du statut des médicaments homéopathiques et la garantie de leur disponibilité à terme,
la présence insuffisante de prescripteurs d’homéopathie dans les établissements du type maternités, centres médicaux et de soins, cliniques et hôpitaux, d’où les obstacles trop
souvent rencontrés par les patients qui osent évoquer « l’homéopathie » en complément des traitements conventionnels,
- d’éventuelles restrictions de la pratique ou des prescriptions, compte-tenu de ce que l’on a vécu lors de ces deux années de pandémie pour les traitements contre la covid,
- la place même de l’homéopathie dans l’offre de soins du système de santé.

Et après ...
Il faut entendre ces préoccupations légitimes et une colère certaine que nous souhaitons déposer sur le bureau des professionnels de santé. Pouvoir y répondre c’est participer de
notre point de vue à sauver l’homéopathie.
Car c’est bien la nécessité d’une homéopathie consolidée et mieux ancrée qui doit s’imposer pour l’avenir, comme le soulignent Michèle et Nelly en pensant notamment aux générations
nouvelles et futures, espérant qu’elles puissent elles aussi profiter des bienfaits de cette thérapeutique.
Il serait temps que l’on s’appuie sur les témoignages des patients, leurs expertises du vécu de leur parcours de santé avec une utilisation libre de l’homéopathie : les valeurs des patients,
une des trois composantes de l’Evidence Based Medicine.
Il serait temps que les milieux médicaux, sanitaires, scientifiques, administratifs, économiques, politiques ainsi que les bien-pensants le reconnaissent !
Avant de conclure, juste un clin d’œil pour l’avenir avec une parole dont nous laissons l’entière responsabilité à son auteur, Pierre, 90 ans, qui a sa propre vision : « [...] Je manifeste une
certaine impatience de voir triompher, un jour, ce qui sera l’Homéopathie quantique. [...] On procédera par transfert d’énergie, sous la forme de nanoparticules curatives sélectionnées en
fonction des symptômes du patient et qui pourront lui être administrées par un appareil spécial
[...] Voilà comment je vois la chose, depuis ma modeste place, persuadé que je n’en verrai jamais la moindre réalisation, compte-tenu de mon âge avancé ».

Et pour terminer, quitte à se répéter, oui, patients, nous aspirons pour nous et nos enfants au maintien du libre choix de la thérapeutique homéopathique, accessible au plus grand nombre, mieux intégrée dans l’offre de soins, prescrite par des professionnels de santé formés et aux diplômes reconnus, utilisant des médicaments remboursés, disponibles, sûrs, respectueux du vivant et de l’environnement.
Nous pouvons y contribuer chacun individuellement et collectivement par les actions et missions des associations de patients.
Et pour cet espoir, une toute dernière parole empruntée à Bernard Lavilliers sans savoir s’il utilise l’homéopathie :
« Et si l’espoir revenait
Tu n’me croiras jamais
Dans le secret, dans l'amour fou
De toutes tes forces, va jusqu'au bout
Et si l'espoir revenait »

Merci aux patients, ceux cités ici et tous les autres.
Merci beaucoup pour votre attention.

Joël  SICCARDI