Une affaire d’État ?

La Revue d'Homéopathie

Volume 10, Issue 3, September 2019, Pages 99-100

Depuis plus d’une année, après la tribune parue dans Le Figaro, l’existence de l’homéopathie est violemment mise en cause, de même que la condition professionnelle des médecins homéopathes et celle de tous ceux accrédités à l’appliquer aux patients humains et animaux. L’est aussi la crédibilité des laboratoires de fabrication pharmaceutique des médicaments homéopathiques, au-delà de la liberté légitime d’expression et de critique.

Tout ce débat a conduit le ministère des solidarités et de la santé à diligenter la Haute autorité de santé (HAS) à demander, fin décembre 2018, aux professionnels de l’homéopathie (médecins et laboratoires) et aux associations de patients usagers, de fournir pour le 27 janvier 2019– soit dans l’urgence - une contribution sur l’efficacité clinique des médicaments homéopathiques en vue d’évaluer le bien-fondé ou non du remboursement des médicaments homéopathiques par l’Assurance Maladie.

Les conclusions de la Commission de transparence (CT) de la HAS ont été communiquées en priorité aux journalistes le jeudi 16 mai 2019, bousculant la confidentialité inhérente à cette procédure. Le journal Le Monde s’en est fait l’écho.

Celle-ci s’est déroulée en plusieurs temps :

Audition des parties prenantes avril 2019 ;

Examen du dossier 17 avril ;

Adoption du projet d’avis ;

Phase contradictoire 12 juin 2019.

L’avis définitif a été rendu public le 28 juin 2019 avec un avis négatif, c’est-à-dire favorable à un déremboursement par l’Assurance Maladie des médicaments homéopathiques. Si cela est définitivement acté par un décret gouvernemental, ce qui équivaudrait à rejeter l’homéopathie hors du champ médical, quelques questions s’imposent avec des réponses difficiles pour ceux qui les recevront :

L’absence de remboursement d’un médicament et d’une consultation dédiée à l’homéopathie les rendront-ils toujours accessibles aux plus défavorisés et aux plus fragiles ?

Les dispensaires d’homéopathie dont le Centre Saint-Jacques et le Dispensaire Hahnemann situés à Paris pourront-ils encore dispenser des soins ?

L’activité du médecin avec orientation homéopathique continuera-t-elle à exister ou laissera-t-elle la place à des personnes n’appartenant pas aux professions de santé accréditées ?

Les sages-femmes pourront-elles encore utiliser les produits homéopathiques pour les femmes enceintes et allaitantes ?

Ces unités de production homéopathique d’excellence continueront-elles à fabriquer ces produits ?

Les laboratoires homéopathiques français, leaders internationaux, poursuivront-ils leur activité avec leur personnel ou disparaîtront-ils au profit de groupes étrangers ?

Les pharmaciens d’officine pourront-ils continuer à délivrer des médicaments homéopathiques à des prix raisonnables et à donner des conseils aux patients ?

Les vétérinaires, les éleveurs et les agriculteurs disposeront-ils encore de médicaments homéopathiques pour les animaux de compagnie et de ferme, le traitement naturel des cultures et ainsi assurer la transition écologique ?


Les facultés de médecine et de pharmacie, ouvrant leurs portes aux sciences humaines et aux innovations, les fermeront-elles aux enseignements d’homéopathie et de thérapeutiques complémentaires au traitement conventionnel ?

Les soins de support homéopathiques au traitement oncologique, ayant prouvé leur utilité pour diminuer les effets indésirables des protocoles indispensables, continueront-ils à exister afin que les malades demandeurs puissent en bénéficier ?

…Bien d’autres interrogations sont envisageables, mais la plus importante est la prise en charge du patient malade qui sera alors amputée d’une possibilité thérapeutique et par conséquent de l’amélioration de sa qualité d’existence !

Pour celles et ceux qui désirent encadrer, normaliser, réduire la relation humaine singulière médecin- malade, peut-être seront-ils satisfaits ? Mais ce nouvel ordre sanitaire s’accompagnera d’une profonde insatisfaction des patients, d’une injustice sociale, d’un découragement des professionnels impliqués et d’une catastrophe économique.

Pourtant, pour nous, avec les centaines de milliers de réponses aux pétitions et la multiplication de témoignages de patients et d’autorités, nous désirons toujours construire un véritable dialogue avec toutes les autorités publiques et une évaluation sincère de notre pratique, de nos outils en vue de contribuer à construire cette médecine intégrative et moderne au service de tous.

Pour nous tous, l’affaire est si grave qu’elle en devient une affaire d’État et exige une réelle prise en compte de tous les éléments précités et autres par les pouvoirs en charge de la santé publique et de notre cohésion sociale. À l’heure où nous rédigeons ce texte, nous attendons la décision finalisée des pouvoirs publics, qui, semble-t-il, ne sera pas délivrée avec précipitation afin de tenir compte de toutes les conséquences possibles.

La Revue d’Homéopathie, à la fois indépendante, pédagogique, scientifique et clinique, continuera-t-elle son travail d’explication, de transmission, de publication d’études théoriques et cliniques de la méthodologie hahnemannienne et de son intégration dans la médecine moderne ?

Nous remercions l’éditeur Elsevier Masson de nous avoir renouvelé sa confiance.