L'Homéopathie dans la médecine moderne par le Dr Toledano

 

homeopathie medecine moderne

 


 

Conférence du Dr Alain TOLEDANO lors de la présentation du livre blanc sur l'homéopathie.

Bonjour,

Merci de me permettre, en tant que médecin cancérologue non expert en homéopathie, de prendre part au débat essentiel sur l’intégration de la Médecine homéopathique dans l’approche médicale moderne.

Je développerai quelques points de vue essentiellement à travers deux aspects de discussion, l’outil médicamenteux en Médecine, ainsi que la Médecine homéopathique au sein du système de Santé actuel.

Tout d’abord l’outil médicamenteux en Médecine

Voltaire disait « Les médecins administrent des médicaments dont ils savent très peu, à des malades dont ils savent moins, pour guérir des maladies dont ils ne savent rien.. » Cet appel à l’humilité doit retrouver du sens à une époque où l’essor de la pharmacogénômique nous apprend les réponses différentes aux mêmes médicaments en fonction de notre patrimoine génétique individuel.

Je m’inspirerais fortement d’un texte d’Alice Desclaux pour positionner cette première réflexion sur les médicaments.

Les médicaments sont souvent définis comme des produits pharmaceutiques industriels, ils sont élaborés sur la base de références scientifiques relevant de la biologie, de la biomédecine et de la pharmacie—ce sont des objets pleins de sens, et très ambivalents.

Ces objets, concrets et pourtant tellement symboliques, font partie intégrante de l’intimité de chacun, sont justifiés par une efficacité matérielle sur les individus échappant largement à la conscience de ceux qui les consomment ; objets dont la matérialité est également terriblement efficace, puisque des centaines de millions de personnes ne doivent leur (sur) vie qu’à leur consommation. Ils sont aussi le support d’un investissement idéologique, d’interprétations, d’élaborations symboliques, en rapport avec la culture scientifique biomédicale qui les produit et avec les multiples cultures et sous-cultures qui les (ré) interprètent.

Ils sont de plus des objets sociaux, véhiculant des rôles, des rapports de savoirs et de pouvoirs plus ou moins inégalitaires, légitimant l’organisation d’institutions, de systèmes et de réseaux.

Les médicaments sont enfin des objets de consommation, pour exemple, un médicament acheté sur deux est jeté à la poubelle en France, ce qui équivaut à un gâchis de 7 milliards d’euros par an. Les Français consomment en moyenne 48 boîtes de médicaments par an et par habitant contre 18 pour nos voisins italiens.

Les médicaments prescrits sont également le reflet d’une manière d’exercer la médecine. Une médecine contrainte, manquant de temps, et pressurisée par un système solidaire favorisant le gâchis et la consommation, qui engendre en France aujourd’hui 90% des consultations médicales se soldant par une prescription médicamenteuse, contre 43% seulement aux pays bas par exemple. Les médicaments homéopathiques pourraient être un outil utile et économe à la transformation de notre Médecine.

À notre époque de rationalisation, la réflexion sur l’efficacité médicamenteuse est plus qu’indispensable.

Nous acceptons, à défaut d’autres solutions, de prescrire des chimiothérapies anticancéreuses toxiques en sachant souvent que leur efficacité avoisine moins de 30% de bénéfice pour le patient. Ce rapport que nous avons avec l’acceptation de l’efficacité thérapeutique diffère en fonction des classes médicamenteuses, comme avec les médicaments homéopathiques.

Le médicament est également un baromètre de l’état de la recherche, l’ANSM depuis 2012 a autorisé plus de 1800 essais cliniques, autorisé plus de 600 AMM (autorisation de mise sur le marché); 2800 substances actives sont commercialisées en France dont 30% sont des médicaments génériques. Si les étapes de l’autorisation d’utilisation clinique sont issues d’un processus long et coûteux (certains développements de médicaments anticancéreux ont coûté plus d’un milliard d’euros), l’économie et l’investissement industriel sont en première ligne pour faire accréditer un médicament nouveau.

Concernant l’homéopathie, certaines études ont pu être réalisées selon une méthodologie reconnue : une étude de phase III comparant un placebo à l’arnica (homéopathie) chez des patientes opérées de cancer du sein, a démontré un bénéfice significatif en termes d’œdème et de saignements post opératoires immédiats, en faveur de l’homéopathie (Sorrentino & al. J Intercul Ethnopharmacol 2017). D’autres données sur la gestion des bouffées de chaleur ou l’observance à l’hormonothérapie améliorées par la prise d’homéopathie sont rapportées.

Enfin, le respect des posologies médicamenteuses et l’observance sont d’autres enjeux majeurs ; lorsqu’on sait que pour certaines prescriptions d’anticancéreux par voie orale, plus des 40% des patients ne suivent pas les prescriptions…

La prévention par les médicaments, l’automédication et la surmédication, comme les génériques ou biosimilaires restent aussi des sujets d’actualité qui peuvent être traités de façon scientifique aussi bien que sur un versant culturel et philosophique. Prenons pour exemple le débat passionné récent en France sur la prescription des génériques et l’économie attendue de 750 millions d’euros.

Le médecin philosophe Paracelse au 16ème siècle a été déterminant dans le passage de l’alchimie à la chimie et disait déjà :

« Tout est poison, rien n’est poison, il n’y a que la dose »

Certains concepts homéopathiques comme la similitude ont été utiles pour générer les hypothèses de vaccination antitumorale. Les réflexions sur les faibles dosages chers à l’homéopathie ont inspiré certains travaux sur la chimiothérapie métronomique et autres concepts thérapeutiques comme celui des agents hormétiques.

L’individualisation et la conception holistique de l’individu, présidents les réflexions en homéopathie, restent un fer-de-lance en cancérologie, indispensable pour éviter de se perdre dans le vertige des soins techniques orientés vers l’effet antitumoral.

Le souci des risques iatrogènes reste fondamental dans la définition des rapports bénéfice-risque, la culture des médicaments homéopathiques a aidé à tout cela, et mériterait des évaluations plus larges et réfléchies de façon plus spécifique.

En tant que Médecin cancérologue, j’aspirerais à un débat plus large sur les médicaments que le simple fait de dérembourser ou pas les médicaments homéopathiques.

Les médicaments ont un rôle central dans la relation thérapeutique, et dans le rapport de l’individu au corps sain ou malade.

Cela laisserait penser que le débat sur les médicaments homéopathiques ouvrirait volontiers le champ du débat plus large sur la manière dont la Médecine homéopathique nous questionne positivement sur notre vision de la Médecine de demain…

2ème partie : La Médecine homéopathique, symptomatique et complémentaire

Hippocrate, sur les valeurs d’humilité duquel nous continuons de prêter serment, disait déjà « que ton aliment soit ta seule Médecine », l’humilité en Médecine reste une vertu cardinale.

La Médecine est définie comme l’ensemble des connaissances scientifiques et des moyens de tous ordres, mis en Œuvre pour la prévention, la guérison ou le soulagement des maladies, blessures ou Infirmités.

Le courant Voltairien (17ème siècle) qui consistant à penser que « l’art de la Médecine consiste à distraire le malade pendant que la Nature le guérit » fait encore des adeptes.

Notre Médecine est de plus en plus performante pour traiter des maladies complexes, mais la quantité d’inconnus et l’écart avec l’attente légitime que nos patients ressentent, incite à élargir nos points de vue.

La démarche médicale sémiologique consiste à rechercher des symptômes pour les assembler en syndromes et faire des diagnostics ; ces symptômes comme moyens diagnostiques sont souvent déconsidérés en tant que tels, voir ignorés, aux dépens de la maladie qu’ils révèlent et qui capte toute l’attention de cette Médecine dite moderne- Le patient a souvent du mal à se sentir écouté dans sa douleur, voir dans sa souffrance lorsque les mots de la Médecine ne lui procurent pas l’espoir du soulagement.

Cette Médecine tournée sur la Maladie et non pas sur l’individu et son ressenti, a créé un premier écart entre le corps soignant et les patients. Le scénario de prise en charge du médecin sur les causes du mal diffère souvent de l’imaginaire de prise en charge idéal du patient sur ses conséquences.

L’investissement massif dans les stratégies du tout curatif d’une certaine Médecine scientifique a relégué au second plan, dans l’imaginaire collectif, la prévention nécessaire.

Le soulagement des symptômes souvent tenaces, ne trouve pas tout le temps écho et moyens dans la pharmacopée actuelle, on prendra pour exemple les bouffées de chaleur, la fatigue, la sécheresse buccale… qui sont des symptômes complexes et si fréquents en cancérologie.

La Médecine homéopathique autorise à certains égards à éviter de basculer vers une Médecine dépersonnalisée et autocentrée.

On constate souvent la différence entre le risque d’une maladie évalué par le médecin, et la perception du risque différente de la part du patient ; de la même manière, l’évaluation du bénéfice réel d’un médicament par le Médecin est souvent différente du bénéfice ressenti par le patient, d’où les larges problèmes d’observance médicamenteuses décrits.

Concernant les risques inhérents à chaque principe actif de chaque médicament, un courant de pensée actuelle bien ancrée a tendance à préférer le risque naturel au risque scientifique induit – l’IA (intelligence artificielle) et autres sujets de société en sont les témoins. Repenser l’origine des remèdes utilisés par notre Médecine et l’éducation thérapeutique, va être utile pour rétablir une forme de confiance nécessaire à l’exercice médical.

L’impact budgétaire de chaque principe actif a un poids social certain dans les choix de hiérarchisation de l’importance des maux à soigner, et de leurs outils.

La structuration des systèmes de prise en charge financière de la maladie doit faire son inventaire, car elle influe probablement en partie sur le rejet des médicaments homéopathiques de la part de nombreux médecins et de décideurs ; la part de l’engagement solidaire et celle due à un système assurantiel bien réfléchie commençant à échapper aux raisonnements de tous.

Si la Santé au sens large est un socle social, la Médecine, composante majeure, mais pas unique de la santé, ne peut pas accaparer toutes les ressources, ou pire, évoluer en fonction des seules ressources que la solidarité sociale lui alloue.

Penser la Santé comme l’absence de la Maladie est réducteur : la santé sociale, la santé émotionnelle, la santé sexuelle, la santé psychologique, dans le cadre d’une santé holistique, sera un des fondements de la reconstruction d’un système qui se réinvente, où l’on passera d’une assurance maladie pour tous à une assurance santé pour tous.

À une époque où les statistiques et le raisonnement déductif servent la cause de la maîtrise budgétaire et des pseudo-preuves scientifiques, la Médecine Personnalisée ne peut pas se résumer à de la thérapie individualisée. Elle doit considérer l’individu et son projet de vie et de ce fait, chaque prise en charge devient singulière.

Je finirai en rapportant cette étude ayant conclu que 23 secondes… était le temps en moyenne au bout duquel le patient se faisait couper la parole par son médecin. Une minute… c’est le temps maximal qu’on passe dans nombre d’hôpitaux à discuter avec les familles des patients.

Défendre la seule logique qui nous permet d’aboutir à un système de soins coûtant 250 milliards d’euros par an à l’État et en rupture d’efficacité n’apparaît pas raisonnable.

Rendons hommage à tous ces médecins, homéopathes et non homéopathes, qui passent du temps à écouter et soulager les patients avec tous les outils dont ils peuvent disposer, et en se remettant en question…

Le rôle de l’homéopathie est bel et bien aussi d’interroger la France sur la réforme de son système de Santé qui ne peut nullement être orienté exclusivement vers le médicament.

Nous nous engageons dans l’évaluation de la Médecine homéopathique dans la prise en charge globale des patients en cancérologie et dans la phase de l’après-cancer.

Docteur Alain Toledano
Cancérologue Radiothérapeute
Centre de Cancérologie Hartmann, Président de l’Institut Rafael

 

Source: Comment le débat sur l’homéopathie peut transformer positivement celui sur la médecine de demain par Institut Rafaël