Jean-François Masson : «Réduire l’homéopathie à un effet placebo ne tient pas»

 

Par Sabrina Champenois — 15 juin 2018 à 18:56

 

Le médecin homéopathe Jean-François Masson défend l’efficacité de sa pratique, soulignant également son aspect préventif, facteur à terme d’économies.

Le regard, au-dessus des petites lunettes cerclées, a le calme de ceux qui en ont vu d’autres. Mais Jean-François Masson, médecin homéopathe parisien de renom, en exercice depuis trente-huit ans, ex-consultant à l’institut Curie et à l’hôpital Bichat, ne mâche pas ses mots contre les scuds qui tombent sur sa spécialité.

Comment prenez-vous ce nouvel épisode de la guéguerre allopathie / homéopathie ?

Il y en a un à peu près tous les cinq ans, j’ai remarqué. Des attaques faites par des soi-disant scientifiques. Ils affirment que rien n’a été fait alors que de nombreuses expérimentations en double aveugle ont été conduites sur l’homéopathie. D’autre part, ils oublient que nous sommes médecins à part entière, comme eux, donc que nous sommes responsables comme eux d’un bon diagnostic et de poser les indications d’un bon traitement. Nous avons simplement une expertise supplémentaire pour aborder certains cas. Enfin, ils oublient que l’homéopathie est basée sur une méthodologie rigoureuse acquise après de nombreuses années d’enseignement et d’expérience. Or ils n’en ont aucune connaissance ni expérience personnelle, n’en ont ni prescrit ni pris. Au total, leur argumentaire me paraît fallacieux, et leurs accusations scandaleuses. La tribune parue dans le Figaro, texte d’humeur, de haine et de mépris, est vide, dépourvue de chiffres et mensongère. L’étude australienne qui en est la base est biaisée du point de vue statistique, avec une méthodologie criticable.

Pourquoi le clivage entre allopathie et homéopathie est-il si violent en France ?

L’homéopathie est très pratiquée en France, par 5 000 médecins, et un grand nombre de patients. Aux Etats-Unis ou Canada, il y a de très grands homéopathes mais peu de patients, donc la confrontation est bien moins forte. La France est avec l’Inde la place forte de l’homéopathie. Le Brésil et la Lituanie montent en puissance, elle est également bien pratiquée en Suisse, Belgique, en Grande-Bretagne.

Certains estiment que les médicaments homéopathiques devraient être soumis à la même procédure que les allopathiques, qu’ils bénéficient d’une mise sur le marché bien plus facile et rapide.

Cette procédure revient à environ 20 millions d’euros par médicament et comme il y a environ 3 500 médicaments homéopathiques, faites l’addition… Cela dit, il y a déjà suffisamment de références, d’études qui ont été faites. La Suisse fournit un exemple très intéressant. Des essais y ont été conduits pendant trois ans, ils se sont rendu compte que ça marchait très bien, donc maintenant ils remboursent, et ils font des prix spéciaux pour les consultations en homéopathie qui sont plus longues que les allopathiques. En urgence, cela peut prendre cinq minutes, par exemple pour une otite, mais une consultation peut prendre aussi bien vingt minutes qu’une heure et demie : tant qu’on n’a pas trouvé le remède personnel du patient, on continue. En allopathie, on ne traite que le symptôme alors que nous, on essaie de savoir à qui on a affaire, d’établir l’historique, de détricoter le symptôme et l’intégrer dans la problématique d’ensemble. Et je ne suis pas dogmatique : quand je suis face à une poussée de tension, je donne un médicament allopathique. Parce que je suis d’abord et avant tout médecin. Et puis petit à petit, avec un traitement de fond, on arrête tout doucement le traitement.

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Dans le même temps, l’homéopathie est extrêmement rentable car une fois qu’on a trouvé comment traiter le terrain, on peut faire de la prévention. Par exemple, je vois des gosses en octobre qui ont fait l’année précédente quinze otites avec des consultations de généralistes, de pédiatres, d’otorhinos, avec des prises d’antibiotiques, et qui en quelques mois sont vraiment guéris. Quand j’ai été nommé à Bichat en gynécologie, payé par l’Assistance publique, j’ai appliqué l’homéopathie aux cystites et aux mycoses à répétition. Je les guérissais en une heure ou deux avec des granules, et en traitant le terrain, la répétition disparaissait. Et ça, ça fait faire d’énormes économies, c’est des milliards de gagné. Du coup, on comprend mieux pourquoi des pays à faible budget pour la santé, comme le Ghana, l’Inde (où un médecin sur deux est homéopathe), le Brésil ou la Lituanie, adoptent l’homéopathie de façon officielle. C’est d’ailleurs peut-être ce développement de l’homéopathie qui a réveillé nos chers confrères allopathes…

«L’homéopathie n’est qu’un placebo», accusent notamment ses opposants.

Le placebo, moi, je n’ai rien contre. En fait c’est la plus belle médecine : le corps se guérit tout seul. Le problème est qu’il ne peut pas toujours le faire seul parce que des barrages se sont créés, pour des raisons émotionnelles, diététiques, des déséquilibres de vie, ou d’autres raisons. Une des vertus de l’homéopathie, c’est précisément de lever ces barrages pour laisser s’exprimer cette capacité formidable de l’organisme à se guérir seul et de dynamiser cette force de guérison. Cela dit, réduire l’homéopathie à un effet placebo ne tient pas, de nombreuses études ont montré que son efficacité se situe largement au-dessus des 30 % du placebo. Alors, on nous demande de faire des publications. Mais prenez l’Aricept, ce médicament contre la maladie d’Alzheimer dont le déremboursement a été annoncé en mai : comment avait-il obtenu l’AMM [autorisation de mise sur le marché, ndlr] ? Avec des publications et des preuves que «ça marchait»…

L’homéopathie ne représente que 1 % des médicaments remboursés par la Sécurité sociale. Comment expliquer la charge des allopathes pour un déremboursement ?

C’est symbolique. Mais pour les gens qui n’ont vraiment pas d’argent, 2 euros, le prix d’un tube de granules, représentent quelque chose, je le vois quand je soigne via des associations des sans-abri, des migrants, des réfugiés. Et dérembourser un médicament sous-entend qu’il n’en est pas un, qu’il est toxique. Les allopathes de la tribune demandent aussi qu’on déchire son titre de médecin si on fait de l’homéopathie, c’est honteux. Encore plus honteux, un droit de réponse à la tribune parue dans le Figaro a été refusé aux homéopathes.

On nous traite de charlatans… J’ai fait mes études à la Salpêtrière, j’ai travaillé à l’institut Curie pendant cinq ans et à l’hôpital Bichat pendant quinze ans, invité par des pontes. Bon nombre de mes confrères homéopathes ont des parcours semblables et travaillent en réseau avec les allopathes. Tous les allopathes ne sont d’ailleurs pas obtus, tel Krishna Clough, ancien directeur de l’institut Curie qui m’a invité à prendre la parole à un congrès sur les maladies du sein, ou Jacques Vilcoq, chef de service à Curie, qui a ouvert une consultation d’homéopathie, ou encore le professeur Patrick Madelenat, qui m’a chargé d’une consultation d’homéopathie gynécologique quand il était chef de service à l’hôpital Bichat. Les oncologues m’envoient beaucoup de monde parce qu’eux s’occupent de mieux en mieux de l’agresseur mais pas tellement de l’agressé, or quand l’agressé est mieux soutenu, la chimiothérapie est beaucoup mieux supportée et les résultats du traitement bien meilleurs, beaucoup d’études l’ont montré.

Je profite de cet entretien pour lancer une invitation solennelle au professeur d’immunologie Jean-François Bach et à Mme Buzyn de venir assister à une de mes consultations. Pour qu’ils voient ce qu’ils ne connaissent pas, comment on traite des urgences et des trucs lourds, comme des maladies auto-immunes, des papillomavirus, des fibromes, des endométrioses, pas seulement les bobos de petites jeunes filles du VIe arrondissement comme certains pourraient le penser. Et pour qu’ils comprennent qu’il y a complémentarité et non opposition entre les deux médecines, allopathique et homéopathique.