L'homéopathie se défend !

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Article paru dans le journal nº 60 Acheter ce numéro

 

En 2017, dans l’objectif de réduire les dépenses, les autorités de santé anglaises (National Health Service, ou NHS) recommandent aux centres médicaux et aux médecins de ne plus prescrire d’homéopathie. Si une telle recommandation n’a pas de valeur contraignante, elle se répercute toutefois, en cabinet, sur les pratiques de prescription, et induit de potentielles sanctions disciplinaires pour les médecins récalcitrants en centre de santé.

La NHS a fait cette recommandation à la suite d’une consultation publique qu’elle a elle-même mise en place, d’octobre à novembre 2017. Son objet ? L’arrêt du financement de 18 types de traitements – dont les plantes médicinales, la glucosamine-chondroïtine, les antioxydants… et l’homéopathie, présentée comme n’ayant « aucune preuve solide de son efficacité clinique ». Simon Stevens, directeur du NHS, précise : « Au mieux, l’homéopathie n’est qu’un placebo. Son financement représente un mésusage du budget réduit du NHS, qui pourrait être utilisé à des traitements qui fonctionnent. » Une majorité de citoyens anglais le suit alors.

L’Association britannique d’homéopathie (British Homeopathic Association) dénonce peu de temps après les biais de présentation de cette consultation et fait appel de la décision de « déprescription » du NHS. Mais, en juin 2018, le tribunal arbitre finalement en faveur de ce dernier, qui réclame aujourd’hui à la première le remboursement de ses frais de justice (133 000 euros).

Bientôt notre tour ?

En France, si aucun arbitrage n’a encore eu lieu en faveur du déremboursement, le ministère de la Santé a saisi, en août, la Haute Autorité de Santé (HAS) pour évaluer, d’ici février 2019, « le bien-fondé des conditions de prise en charge et de remboursement des médicaments homéopathiques », c'est à dire leur intérêt pour la santé publique en fonction de leur efficacité et effets indésirables. Des conclusions qui ne laissent guère de place au suspense puisque la HAS s’étonnait publiquement, en juin dernier, de la maintenance du remboursement à 30 % des remèdes homéopathiques sur prescription.

Le 1er septembre, la faculté de médecine de Lille prend l’initiative de suspendre son diplôme d’homéopathie en attendant la décision de la HAS. Son doyen s’en justifie ainsi : « On sait que ce qui est efficace dans l’homéopathie, c'est l’effet placebo. L’homéopathie n’a pas d’effets propres. Elle est présentée abusivement comme efficace. Il y a quelques études rares, peu solides, sur de petites populations. L’idée, en mettant fin à cet enseignement, est d’affirmer que nous n’enseignons que des éléments scientifiques. »

Ces évènements ne sont que les derniers en date d’une série de critiques virulentes de la discipline, dont la tribune du Figaro du 19 mars 2018 signée par 124 médecins (plus de 3 000 signataires aujourd’hui) dénonçant les fakes medecines et appelant au déremboursement et à l’arrêt de l’enseignement de l’homéopathie. Une attaque en règle dont nous avions déjà critiqué les présupposés et les méthodes dans nos colonnes. On l’aura compris, l’homéopathie oppose les « certitudes de la science » aux « croyances irrationnelles » des usagers. Mais les choses sont-elles vraiment si simples ?

Les données actuelles de la science comme arguments d’autorité

 

« Il n’y a pas de problèmes de santé pour lesquelles il existe des preuves fiables que l’homéopathie est efficace », concluait, sans appel, le rapport de l’Australian National Health and Medical Research Council (NHMRC) sorti en mars 2015. Ce « rapport australien », qui réduit l’homéopathie à un pur effet placebo, connaît alors une publicité mondiale. Depuis, il sert d’argument massue à la remise en cause de cette pratique dans différents pays, y compris en Angleterre et en France. Mais ce document, dont tous les critiques de l’homéopathie se prévalent aujourd’hui, offre-t-il les garanties de sérieux et de rigueur qu’ils lui prêtent ?

De plus en plus de personnes en doutent. En août 2016, une enquête approfondie de Gerry Dendrinos, membre de l’ Australian Homeopathic Association (AHA), et une analyse scientifique pilotée par les experts australiens duHomeopathy Research Institute (HRI) pointent de graves problèmes déontologiques et scientifiques dans ce rapport australien, ainsi que des irrégularités majeures. Notamment la sortie dissimulée au grand public, en juillet 2012, d’un premier rapport (“A Systematic Review of the Evidence on the Effectiveness of Homeopathy”) mettant en évidence l’efficacité de l’homéopathie sur un ensemble de pathologies.

Un rapport resté dans les tiroirs

 

L’existence de ce premier rapport n’a été découverte que grâce aux demandes répétées de l’AHA, utilisant la loi australienne pour l’accès à l’information et la transparence (Freedom of Information Act). Le NHMRC disait l’avoir mis dans les tiroirs « du fait de sa piètre qualité », alors même que l’étude avait été menée par un scientifique de renom, à l’origine des recommandations méthodologiques édictées par le NHMRC lui-même !

De plus, l’un des experts du premier comité d’évaluation, le professeur Fred Mendelsohn, déclarait à l’époque : « Je suis impressionné par la rigueur, la minutie et l’approche systématique appliquées à cette évaluation des études sur l’efficacité et les effets secondaires de l’homéopathie. (…) Globalement, de l’excellent travail a été fait dans ce rapport et les résultats sont présentés sans biais et d’une manière systématique et convaincante. »

Aujourd’hui, l’European Federation of Homeopathic Patients’Associations, réunissant associations et groupes de soutien à l’homéopathie à travers toute l’Europe, rejoint la campagne initiée par un collectif britannique dont est membre la British Homeopathic Association pour que ce premier rapport, commandité et payé avec de l’argent public, soit rendu public. La pétition en ligne rassemble déjà près de 12 000 signatures.

De sérieux biais méthodologiques

Si le rapport 2012 a été écrit par des chercheurs d’une université australienne, c’est un groupe de recherche privé, OptumInsight, qui a réalisé le rapport 2015. Une nouvelle manière d’analyser les données lui a été appliquée, visant à étudier l’efficacité de l’homéopathie en général plutôt que celle des remèdes en particulier. « Plutôt que de se demander si tel remède homéopathique était efficace sur telle pathologie, résume l’Homeopathy Research Institute, ils se sont demandé si l’homéopathie en générale était efficace sur telle pathologie. »

 

OptimumInsight a également, suivant cette logique, compilé les différentes études sur telle pathologie en considérant qu’une étude positive serait « annulée » par une autre négative, même si elle utilisait un tout autre remède homéopathique. Pour faire court, c’est comme si, pour la médecine conventionnelle, on compilait les résultats d’études cliniques sur six antibiotiques différents contre une bactérie, et que si seuls deux fonctionnaient sur six, on concluait à « l’absence de preuve fiable » que l’antibiothérapie fonctionne contre les infections.

Une barre mise étrangement haut

Autre problème relevé : dans le deuxième rapport,le NHMRC a analysé non pas 1 800 études, tel que prétendu, mais 176, en resserrant les critères d’analyse de manière arbitraire et inhabituelle. Il a notamment été décidé que seules les études impliquant au moins 150 personnes pourraient être considérées comme « fiables ». C’est ainsi que 171 études ont été sorties de l’évaluation, n’en laissant, au final, que 5 à étudier.

Dans le détail, il apparaît que ce seuil minimal de 150 personnes a été fixé plus de sept mois après la finalisation du protocole de recherche, et que ces modifications tardives et inexpliquées n’ont pas été rapportées dans l’étude. En outre, le NHMRC, comme d’autres institutions, effectue très régulièrement des essais cliniques avec moins de 150 participants , et n’a jamais fixé un tel niveau d’exigence pour ses autres rapports d’évaluation… Enfin, si d’autres critères de sérieux et de fiabilité avaient été choisis, comme ceux du British Medical Journal (échantillon minimal de 20 personnes randomisé contre groupe contrôle), par exemple, il serait resté 166 études à étudier, dont un grand nombre de positives, et une extrêmement convaincante sur l’efficacité de l’homéopathie en cas d’allergie, basée sur 144 personnes.

L’AHA et l’HRI ont enfin révélé que le professeur Peter Brooks, président du comité du NHMRC en charge du rapport de 2015, n’avait pas signalé son appartenance à un groupe de lobbying anti-homéopathie, baptisé Friends of Science in Medicine, alors même qu’il signait sur l’honneur, à l’époque, un document le déclarant « libre » de tout conflit d’intérêts. En outre, son comité ne comptait aucun expert en homéopathie, contrairement à ce que stipule la charte du NHMRC sur la composition des groupes d’experts.

Du doute à la plainte

Les associations pro-homéopathie ne sont pas les seules à avoir émis des doutes sur le rapport 2015. Avant sa sortie publique, le rapport a été soumis à des experts indépendants comme Cochrane Australie, qui publie des informations actualisées de haute qualité sur l’efficacité des interventions en santé. Cochrane estimait alors que « dire qu’il n’y a pas de preuve fiable (comme le fait le rapport NDLR) ne semble pas refléter de manière précise les données analysées », retour critique dont le NHMRC n’a pas tenu compte.

Depuis, trois associations australiennes ont déposé plainte auprès du Commonwealth Ombudsman, le défenseur des droits de leur pays . Au vu des éléments étayés dans le rapport de 60 pages de l’AHA, la plainte a été considérée comme recevable par le défenseur. Mais il n’a toujours pas statué à ce jour…

« Le rapport du NHMRC est un exemple choquant de désinformation », conclut pour sa part Rachel Roberts, présidente de l’Homeopathy Research Institute. « Les décideurs politiques et la communauté scientifique qui s’appuient sur ce type de rapport doivent pouvoir avoir confiance dans leur fiabilité. Il s’agit de présenter les faits de manière objective et, quoi qu’en dise le NHMRC, ce n’est pas ce qu’il a fait. Le public a le droit savoir qu’il y a des recherches de grande qualité montrant que l’homéopathie marche pour certaines pathologies, comme l’allergie, la sinusite ou la diarrhée enfantine . Ces informations ont été occultées. Si les données scientifiques de la médecine conventionnelle étaient traitées de cette manière, il y aurait eu, à juste titre, une levée de boucliers. »

S’opposer à la déferlante

Étant donné la valeur douteuse du rapport australien et son utilisation politique problématique, la Haute Autorité de Santé française a-t-elle à son tour l’intention d’en faire état dans son évaluation de l’homéopathie ? Une évaluation qui conditionne le remboursement, donc l’avenir de cette médecine sur notre territoire… « Tout le monde se base sur ce rapport biaisé, et demeure sourd à nos critiques. Il n’y a aucune remise en question, on est condamné sur des arguments qui sont faux, se lamente Hélène Renoux, médecin homéopathe et présidente de la Société savante d’homéopathie et du Comité européen d’homéopathie. In fine, si les médicaments homéopathiques sont déremboursés, c’est le patient qui en pâtira. Concrètement, ça se traduira par une hausse du prix des tubes de granules, et des souches de moins en moins nombreuses et disponibles en France. »

Une inquiétude que ne démentirait pas Cristal Summer, qui doit d’ores et déjà travailler avec son association, la British Homeopathic Association, à maintenir l’accès à l’homéopathie pour les patients anglais. Son but : multiplier les cliniques locales à bas coûts spécialisées en homéopathie à travers tout le territoire.

« Ce qui est frappant, dans ces critiques bruyantes mais qui ne représentant finalement pas grand monde, c’est le “deux poids deux mesures” dans l'évaluation des médecines. Outre les biais des études mises en avant, personne ne mesure ni ne tire les conséquences des “coûts engendrés par la morbidité liée à l’allopathie. Pourtant, aucun médicament n’a l’avantage d’être aussi peu cher et sans effet secondaire que l’homéopathie. Alors nous nous devons de résister face à cette mobilisation anti-homéopathie mondiale. »

Aller plus loin :

- « Attaques sur l'homéopathie »

Pour demander à ce que le rapport de 2012 soit rendu public, vous pouvez soutenir cette nouvelle campagne mondiale en signant cette pétition. https://releasethefirstreport.com/

www.assh-asso.fr

www.britishhomeopathic.org

Le documentaire Just One Drop consacré à l’homéopathie reprend notamment les positions des uns et des autres sur ces rapports australiens. Déjà projeté aux États-Unis, il sortira en DVD en décembre 2018 (en anglais).